Y la mar a torear

Publié le par Catherine Le Guellaut

à Mariana Vassileva qui n'a jamais vu de corrida

Y la mar a torear


C'est un entrepot grafité de poussière et de souvenirs, un désert. Au centre, une chambre immense, close, vide et sombre, peuplée d'embruns, bercée de vent, chavirée de vagues qui expirent sur des galets bruissant.
Ecran ciel d'encre et plage en noir et blanc,
il pleut, il a plu, il va pleuvoir.
De dos, un homme en costume sur le sable, s'avance en rêveur à la limite entre flux et reflux. Il retire soudain sa veste, la déploie à la brise et d'un geste amoureux, va chercher la vague qu'il enveloppe dans l'étoffe et l'accompagne jusqu'à ce qu'elle s'éteigne doucement. Il avance encore, provoque un nouvel assault qui s'engouffre furieux dans la toile  et vient mourir sur le sable mouillé. Une vague, une autre, une autre encore, toute la mer. L'homme entre dans l'eau de plus en plus loin et danse dans une marée d'écume et de sel. Il se retourne, replie sa veste sous son bras et s'en va.
Il pleut, il a plu, il va pleuvoir.
L'écran noir infiniment, continue la mer à chuchoter au milieu du désert, dans la chambre vide au milieu d'un entrepot de poussière et de souvenir.
J'avais le coeur si grand,
J'avais le coeur si gros,
J'avais le coeur si pur,
J'aurais pu toréer la mer.

Ne reste au creux de ma muleta
que ce fragment de nacre
et le chant d'une sirène
aux yeux marines et chagrins.

J'aurais pu toréer
et la mer, et le vent,
et la rondeur noire blanchie d'écume
jusqu'au soleil
jusqu'au couchant
en pleine tempête
jusqu'à ce que la raison divague
et qu'au matin de l'ombre combattue
reste la lumière invaincue.

De mes entrailles Bretagne,
j'aurais pu toréer la mer entière,
gréer la voile rouge
à la fureur des éléments liquides et venteux,
 les pieds nus serrés sur ce rafiot de sable torride,
les bras tendus en mat de cocagne,
en mat d'artimon ou de misaine.

D'une voile rougie de sueur et de sang,
j'attendrais chaque vague puis la prochaine
qui surgie d'un l'horizon sans fin
déferleront sur la grève éternellement
en orages cornus roulant de rage
les galets millénaires et gris.

J'aurais pu toréer la mer.
Ne reste au creux de ma muleta
que ce fragment de nacre
et le chant d'une sirène
aux yeux marines et chagrins.

il pleut,           il a plu,           il va pleuvoir.

© Catherine Le Guellaut – 8-9 Décembre 2008
texte à paraître dans le recueil "La sombra del sol" (2010)

Publié dans textes à lire

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G
si le soleil sombrait dans la mer , les vagues écriraient tes poemes;
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